Quelques secrets de fabrique.
La chambre où je dessine. C’est ta chambre pourtant / Puisque c’est d’où tu pars (Aragon) ; et puis un portrait en miroir de moi dessinant à Empoli (gare enchantée).
La tombe de Masereel, xylograveur chéri entre tous, trouvée après une âpre recherche dans le vieux cimetière de Sint-Amandsberg près de Gand (tombe par tombe, en deux essais). Et un timbre avec sa tête piqué dans une brocante.
Trois étapes (trois états) d’une aquatinte en deux couleurs qui devait lancer une série Crash! abandonnée depuis.
Un autre exemple, une image tirée de A bout de souffle de Godard, en deux états, et la photo initiale d’une amie qui l’a déclenchée (et en bonus une image d’un film chéri entre tous, La Cité des Enfants perdus avec la même marinière) :
La gravure permet des essais, comme cette preuve tangible qu’on peut imprimer un 45T (reste à trouver un projet qui le porte).
L’atelier est un petit laboratoire chimique, on baigne dans le white spirit, le vernis graveur, l’acide, l’acétone et d’autres produits plus alchimiques (le blanc de Meudon, l’huile de sabot). De tous, l’acide est le plus rigolo (je suis le dernier à l’utiliser) quoique c’est un compagnon fort capricieux. Vu le temps passé sur une seule plaque, la ruiner par un dernier crevé est un peu irritant, mais c’est le jeu ; si on ne le tire pas à la limite, on n’obtient pas de noir profond et velouté.
Mon pote Pierre m’a offert cette presse du XIXe, bijou intransportable (et pourtant on l’a montée sur une allée de jardin en pente, vers une camionnette de biais). L’ensemble doit faire une tonne et se sépare en quelques pièces de fonte ou d’acier rigoureusement inamovibles (le poids des cylindres garantit la perfection de la gravure). Rien que pour la remonter dans son lieu de stockage temporaire, on a dû acheter une mini-grue de poche (dite « chèvre« ). Elle attend une pièce chauffée, pas trop humide, avec un évier et une prise d’air. On a un plan d’enfer d’ici quelques mois, mais reste à voir si elle y descendra sans causer de fractures supplémentaires. A suivre !
La presse à contre-épreuves offset sur laquelle je tire les linos est certainement l’objet que je convoite le plus. Linos que je taille chez moi pour gagner du temps (et le faire avec de la musique à tue-tête). Un coup de gouge trop enthousiaste peut ruiner toute une plaque, donc j’ai pris le pli de commencer par le plus risqué (les visages par exemple).
On aimerait bien faire de l’abstrait, on vénère Servranckx et Malévich, et puis on se rend compte que l’abstraction construite est loin hors de sa portée. Il en reste juste cet hommage à 0.10 :
Fondamentalement, j’en suis plutôt en gravure à une sorte de réalisme magique (pas spécialement explicite), pour traduire dans la réalité la prégnance de l’invisible (le sentiment, l’étrange, l’inquiétant, le sous-texte).
