De ma jeunesse sans télévision, j’ai hérité d’un fanatisme pour les livres et la lecture. Classiques d’aventure jaunis, dévorés au kilomètre à plat ventre sur mon lit durant les vacances scolaires, qui ont forgé un imaginaire surrané et en décalage certain (d’où peut-être mon asocialité latente). Depuis, je lis et j’empile des livres (avec une préférence pour les éditions d’avant le code-barres, bien entendu).
Collection sans fin qui ne va pas sans poser quelques soucis d’occupation et de partage de l’espace, comme ma recherche de toutes les éditions (et tous les retirages des mêmes éditions, et toutes les revues etc) de Philip K. Dick que j’ai dû me résoudre à apporter au boulot pour ne pas périr enseveli. Dont une dizaine de versions différentes du Dieu venu du Centaure, ou plutôt les trois Stigmates de Palmer Eldritch selon le titre original. Ledit Palmer qui revient du susdit Centaure avec des yeux, une main et une mâchoire de métal afin de pervertir définitivement la réalité.
Plusieurs images découlent de mon profond enthousiasme pour Henri Michaux (Voyage au Pays de la Magie, avec son eau qui conserve la forme de la carafe, ou ses étoiles ensorcelées qui passent devant la lune), ou d’Eluard (Capitale de la douleur ; Elle se vêtait de caresses ; Tes yeux sont revenus d’un pays arbitraire où nul n’a jamais su ce qu’est un regard, etc). J’ai même essayé quelque incursions écrites dans des gravures, pas très convaincantes jusqu’ici (mais on essaye, on essaye).
Une image d’Alphaville de Jean-Luc Godard, un de mes films préférés (avec Soy Cuba et Fitzcarraldo, disons). Elle se retrouve dans cette catégorie car fondamentalement c’est un film sur la poésie, avec des vrais morceaux d’Eluard dedans:
« Ta voix tes yeux tes mains tes lèvres
Nos silences nos paroles (…)
Un seul sourire pour nous deux
Par besoin de savoir j’ai vu la nuit créer le jour sans que nous changions d’apparence
Ô bien aimée de tous et bien aimée d’un seul en silence ta bouche a promis d’être heureuse.(…)
Toutes les choses au hasard tous les mots dits sans y penser
Les sentiments à la dérive (…)
J’allais vers toi j’allais sans fin vers la lumière
Si tu souris c’est pour mieux m’envahir
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard. »
…film revu en Toscane en un joli voyage de novembre, et qui a aussi inspiré une très jolie photographie d’une amie, avec qui je partage le goût pour Paul Eluard.
En tous cas mon autoportrait est d’office un livre à la main (j’ai le don exquis de pouvoir lire en marchant, et je m’étonne encore que ça paraisse impossible à d’autres). Je me suis même gravé un ex-libris, mais j’ai reculé jusqu’ici devant la perspective d’aller le coller sur la page de garde de plusieurs milliers de bouquins empilés à peu près partout dans la maison.
Bref, on n’est pas encore près de renoncer au culte du livre.














